A l’occasion de la sortie de son nouveau single FAMILIA, rencontre avec l’artiste dijonnais de chanson electropop Edgar la nuit.
Pour commencer, d’où vient exactement ce nom ?
J’ai toujours été obsédé par l’obscurité, par les rêves et les cauchemars. Je sais que ça peut prêter à sourire et paraître un peu cliché comme une image d’écrivain torturé mais j’écris beaucoup la nuit, dans le silence le plus total. Mes premiers jets de chansons naissent d’insomnies. Et le prénom Edgar vient de l’imagerie autour de l’oeuvre d’Edgar Allan Poe. Puis il y a une référence toute bête à qui on devient le soir, quand la lumière est sur nous, quand on doit faire le show, quand on n’est plus dans le quotidien : ces nuits là, je deviens Edgar. La nuit comme le seul endroit d’honnêteté.
Comment êtes-vous arrivé à la musique ? Quel a été le déclic ?
J’ai toujours aimé chanter, j’avais un piano quand j’étais plus jeune et je reprenais des chansons d’artistes que j’écoutais à l’époque. Je n’ai pas de parcours classique ou de solfège, la musique est arrivée comme un échappatoire, comme un espace pour évacuer les peines. D’ailleurs je n’avais pas du tout l’idée de chanter devant un public un jour. Le vrai déclic a été la rencontre avec une prof de chant pendant ma formation de comédien. Elle avait demandé de ramener un morceau à travailler et je suis venu avec une composition en piano-voix. C’est elle qui m’a suggéré de la chanter lors d’un événement en public au conservatoire et j’ai adoré faire ça.
Vous êtes également proche d’un autre domaine : celui du théâtre.
En fait, je vis du théâtre, quand je ne fais pas de musique je suis comédien pour d’autres compagnie et j’ai aussi une Cie avec une amie. J’aime pouvoir faire les deux et ne pas avoir à choisir. Je suis ravi d’écrire pour différents médium et de vivre pleinement de mes activités artistiques. Ça demande une bonne organisation mais les deux formes se nourrissent l’une et l’autre. Je suis devenu meilleur comédien en développant le chant et inversement.
Vous avez été soutenu et accompagné par La Vapeur, à Dijon, n’est-ce pas ? Quels souvenirs gardez-vous de cette expérience, et en quoi consistait concrètement cet accompagnement ?
L’accompagnement de La Vapeur m’a permis d’emmener ma musique plus loin. De me poser les bonnes questions au bon moment pour retravailler mon projet. Quand j’ai rencontré La Vapeur, je venais de commencer la musique électronique et venais de faire mon premier concert. Alors la discussion constante autour de ma musique m’a aidé à avancer. Ils questionnent mes choix, non pas pour tout changer, mais pour aider à tirer des files. Ils m’ont permis de monter sur scène dans de merveilleuses conditions, d’être en résidence là-bas avant des dates importantes.
La meilleur souvenir restera le spectacle « Des voix dans la nuit » qui a été pensé par l’équipe de médiation et d’accompagnement de La Vapeur : on m’a passé commande d’un spectacle autour de mon répertoire, le tout acapella et réarrangé pour un choeur d’une cinquantaine de participants. J’étais aidé de Miranda Atherton et nous avons passé une semaine à créer ce spectacle. Ça a été un vrai moment suspendu, de partage, plein d’émotion et de rencontres formidables.
Parlez-nous de votre titre Familia, sorti sur toutes les plateformes le 11 décembre. Quelle en est l’origine ?
FAMILIA a été écrite en 2019 à un moment où tout changeais dans ma vie. J’avais déménagé, j’ai commencé la musique pleinement, je m’écoutais beaucoup plus, j’avais beaucoup plus conscience de qui j’étais et j’avais compris des choses sur moi, sur ma manière de fonctionner, de réagir avec les autres. J’ai grandi sans jamais vouloir faire de vagues, sans jamais vouloir déranger, en m’excusant beaucoup. J’ai découvert mon homosexualité au collège et je n’avais pas l’espace pour l’exprimer. Dans ma famille à cette époque, personne ne parlait de ses sentiments. Et la première chose que ma mère m’ait répondu quand j’ai dis que j’étais homosexuel a été « tu ne vas quand même pas le dire à ta grand-mère ». Donc pendant des années j’ai continué à me cacher. FAMILIA c’est une libération de tout ça. Je n’avais plus envie de mentir, sur moi, sur qui j’étais et j’avais envie de relations honnêtes autour de moi, même au sein de ma famille.
À quelques jours des traditionnels repas de Noël en famille, ce titre risque en tout cas de faire parler. Était-ce l’effet recherché ?
Je voulais absolument sortir ce titre avant Noël. Comme une gentille et douce provocation. Pour beaucoup de monde, les fêtes de fin d’année en famille sont une corvée. Là aussi c’est jouer un rôle, celui de la famille parfaite. Je m’amuse sur les réseaux sociaux avec cette petite phrase « connais-tu vraiment ta famille ? ». Je la trouve dérangeante. Les secrets de famille sont les pires, les plus durs à porter et ils détruisent tout. Je fantasme sur des écoutes de mon titre pendant le repas de Noël avec des gens qui s’envoient la nourriture à la figure, en réglant leurs problèmes avec ma chanson en fond sonore. Ça ferait une belle promo !
Le clip de Familia semble indissociable du titre. Comment a-t-il été imaginé ?
L’inspiration vient des photos officielles de la famille royale d’Angleterre et de la série The Crown. La famille royale représente à merveille cette notion de devoir garder la face quoi qu’il arrive. Je voulais que les personnages soient contraints, mal à l’aise. Au début de notre recherche j’avais envie d’une vidéo en plan fixe, comme une photo vivante, où rien ne se passe. Puis nous avons travaillé avec Maxim Bruchet du Studio Baghetti et avons eu envie de donner un peu plus de place à chaque personnage. Nous avions des images en tête et voulions avoir des focus sur chaque personnage. Comme un zoom sur les traumas et les travers de chacun. De plus chaque personne présente dans le clip fait partie de mon cercle de d’amis, j’ai écrit ces rôles en pensant à ceux qui allaient les jouer ça m’a aidé à imaginé les relations entre eux.
De manière plus générale, quels messages ou émotions cherchez-vous à transmettre à travers vos chansons ?
Je crois que mes chansons parlent de lutte, avec soi-même, avec l’autre, avec l’amour. Lutte pour affirmer qui nous sommes, lutte avec le passé, lutte avec les dictats. Je ne veux pas accuser ou montrer du doigt, monter les uns contre les autres. L’idée c’est de faire du moment du concert un moment de fête joyeuse, qui rassemble. J’ai envie qu’on puisse danser même sur des thèmes qui peuvent nous faire souffrir comme le rejet, la solitude, le manque. C’est une musique d’espoir et de guérison.
Vous avez assuré les premières parties de Pierre de Maere et Zaho de Sagazan dans la région. Quels souvenirs gardez-vous de ces deux événements ? Une anecdote à partager, peut-être ?
Le souvenir le plus fort de ces moments là est la sensation de saut dans le vide, dans l’inconnu. Un saut contrôlé et préparé. On a rarement l’occasion de jouer devant autant de monde quand on a un projet en développement. Quand je suis monté sur la scène de la vapeur, la salle était déjà pleine à craquer, le public était arrivé tôt pour Pierre de Maere. Je me suis dis en me plaçant face à mon micro « ok c’est maintenant, peut-être que tu ne fera plus jamais ça, va les chercher, amuse-toi, pendant 30min les gens sont là pour toi, tu dois les surprendre» et j’ai chanté. C’était un trop beau moment de connexion avec le public.
Pour la petite anecdote : Zaho de Sagazan m’a appelé Eddy la nuit pendant ses remerciements à la fin de son concert et le public a crié « Mais non ! Edgar la nuit ! » ; c’était vraiment trop mignon.
Comment percevez-vous les retours de vos auditeurs ? Prenez-vous leurs remarques en compte pour vos créations futures ? Une interaction avec un fan vous a-t-elle particulièrement marqué ?
J’aime beaucoup quand les auditeurs m’écrivent sur les réseaux pour me partager leur ressenti sur une chanson. Il y a tellement de musique qui sort chaque jour sur les plateformes que lorsque quelqu’un t’écrit pour parler de ta chanson c’est hyper motivant, ça donne l’impression d’avoir été vraiment écouté au milieu de ce flux continuel de nouveautés.
Une interaction qui m’a fait rire c’était le soir du nouvel an dans les toilettes d’un bar. Tout le monde était ivre et deux filles sont arrivées vers moi en disant « Eh tu ressembles trop à un chanteur, il s’appelle Edgar la nuit, chante pour nous prouver que c’est toi » et on a chanté Mélodrame ensemble en plein milieu des toilettes.
Si tout était possible, y a-t-il un artiste avec qui vous rêveriez de collaborer ? Une rencontre qui vous ferait vibrer ?
Si tout était vraiment possible, sans aucune limite, je ferais une collaboration avec Lady gaga. Pas la Lady gaga de « A star is Born », la Lady gaga dark et pop de 2011, on danserait et chanterait ensemble sur des beats technos accrocheurs. Il y aurait un pont en français où elle chanterait avec moi avec son accent américain. Ça serait magnifique. Peut-être qu’en tombant sur FAMILIA Spotify, elle va m’appeler et dire « Hey salut, on collabore ? »
En écoutant vos titres sur YouTube, on remarque des goûts très éclectiques, allant de Barbara à Britney Spears. Pourtant, Familia et Mélodrame évoquent plutôt des artistes comme Stromae ou Lady Gaga. Ce sont bien d’autres inspirations ?
Je crois que mon parcours, ma formation de comédien m’ont rendu accro au texte, au pouvoir des mots à leur justesse ce qui rend fort mon amour pour la chanson française. Mais j’ai aussi grandi avec la pop, celle des femmes puissantes. Ce sont des sons familiers, des icônes de mon enfance. J’aime la pop et je la défends, elle est souvent montrée comme une sous culture. Je trouve que des gens comme Yelle ou Stromae ont dépoussiéré la pop française, ils ont rendus cool la fait de chanter en français. Eddy de Pretto est très fort aussi dans son écriture. Je voulais mélanger les genres et montrer que l’electropop peut être un endroit d’honnêteté et de poésie.
Plus généralement, qu’est-ce qui vous inspire pour créer ? De quoi vous nourrissez-vous pour composer ?
Tout dépend de la période et du temps que j’ai devant moi pour créer. En ce moment, je suis accro aux synthés et aux batteries électronique. Alors je passe mon temps à chercher des rythmes accrocheurs, des refrains. Puis lorsque j’ai du temps, je vais coller des phrases écrites dans mon téléphone dessus, généralement c’est comme ça que nait une nouvelle chanson : une idée générale, un thème puis j’écris autour de tout ça. Je lis beaucoup aussi, je vais souvent au théâtre, c’est beaucoup les images qui me permettent d’écrire. Et j’ai un rapport quotidien avec l’écriture, j’écris beaucoup ce que je ressens, ce que je vis, une phrase entendue dans la journée etc. C’est un peu comme un journal intime. Je vais piocher dedans et étirer une idée pour en faire une chanson.
Quelle est votre playlist en ce moment ? Y a-t-il un ou plusieurs titres que vous aimeriez partager avec nous ?
Big time nothing de St Vincent
Credit in the straight world de Ssion
Et pour la suite, quels sont vos projets pour 2025 ? Concerts, disques… Que peut-on attendre de vous ?
De nouvelles chansons, de nouveaux clips sont en préparation. Aussi, je travaille en ce moment avec d’autres artistes dijonnais qui viennent d’autres esthétique. Puis il y aura de nouvelles dates je l’espère, au printemps où je jouerai un peu moins au théâtre et serait plus beaucoup plus disponible pour la musique. Je continue sans cesse à envoyer des mails aux programmateurs, jusqu’à ce qu’ils en aient marre et se sentent obligés de me répondre. On construit tout ça en ce moment !
Je veux aussi continuer à explorer d’autres formes et d’accentuer mon amour pour le texte et la théâtralité. Oui il y a l’electro et c’est là ou je prends le plus de plaisir sur scène, mais j’ai aussi envie d’une forme en piano-voix, dans des petits lieux, une forme plus proche du cabaret.