Chien noir : le chanteur tendre à la Gibson bleue

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Auteur, compositeur et interprète, le Bordelais Jean Grillet, dit Chien Noir, fait partie de ces artistes français qu’il faut suivre de près dans les prochaines années. Lauréat des Chantiers des Francofolies 2020/2021 et du Fair 2021, il a été nommé aux Victoires de la Musique 2022 dans la catégorie Révélation masculine et a sorti en 2023 un premier album, Apollo, rapidement salué par la presse à sa sortie. Après avoir assuré de nombreuses premières parties (notamment celles de Véronique Sanson et Claudio Capéo), il sera présent à la première édition du BAM Festival de Montceau-les-Mines ce vendredi. Rencontre…

Pour commencer : pourquoi Chien Noir ?

Ça vient d’abord du nom d’un personnage dans L’Île au Trésor (de Stevenson). Et puis, le hasard a fait que, à la même période, pour une raison qui m’échappe encore aujourd’hui, je me suis intéressé au parcours de Churchill. J’ai appris notamment qu’il était probablement cyclothymique. Il nommait lui-même ses troubles son « chien noir » (black dog en anglais). Ça m’a immédiatement parlé et définitivement orienté mon choix.

Avant de vous orienter vers la musique, vous avez eu un parcours (notamment scolaire) disons… atypique ! Pouvez-vous nous en dire plus ?

J’ai commencé par des études de lettres. J’ai fait ce qu’on appelle les hypokhâgnes (classe préparatoire aux Grandes Écoles), mais je ne suis pas resté longtemps car cela ne me correspondait pas. J’ai ensuite entamé des études d’œnologie. J’ai adoré faire ça, mais je crois que je m’ennuyais.

Pourquoi ça ?

Tout simplement parce que j’avais envie de faire de la musique. J’ai donc terminé mon BTS et suis rentré au Conservatoire de Bordeaux.

Et du coup, comment la musique est-elle entrée dans votre vie exactement ? Vous avez des parents musiciens ?

Mon intérêt pour la musique me vient de ma mère. En fait, elle a toujours chanté. Un jour, elle a voulu apprendre le piano et j’ai trouvé ça fascinant. Je m’asseyais à côté d’elle et j’imitais ce qu’elle faisait. Depuis, la musique ne m’a jamais quitté. J’ai commencé à écrire mes propres chansons à l’âge de treize ans. C’est super d’écrire, que ce soit de la musique ou autre chose d’ailleurs. Mais la musique en particulier, ça apaise énormément je trouve.

Vous parlez de vos débuts au piano, mais vous pratiquez aussi d’autres instruments, me semble-t-il.

Je suis avant tout guitariste, même si ma formation musicale m’a permis d’appréhender (plus ou moins bien) d’autres instruments (rires). C’est vrai qu’avec le temps, je commence néanmoins à apprivoiser le piano. C’est un super outil.

Comment ça ?

Pour moi, les instruments sont des prétextes pour exprimer des choses. La guitare et le piano, particulièrement, sont des instruments qui permettent d’exprimer des sentiments très différents. Suivant ce que j’ai envie de communiquer, je choisis l’un ou l’autre.

On a parlé de l’influence déterminante de votre mère, mais est-ce qu’il y a des artistes, albums ou chansons particulières qui ont nourri votre musique ?

Spontanément, je pense à Leonard Cohen et Sufjan Stevens. Je ne me lasse jamais de ces deux gars.

Dans une interview radio l’année dernière, vous évoquiez Goldman comme source d’inspiration aussi.

Effectivement. C’est tellement le boss. Il est admirable d’avoir eu autant de succès et d’être resté lui-même, d’avoir voulu se protéger. J’ai justement une anecdote à vous raconter à propos de lui.

Il y a six mois, j’ai fait un concert à La Cigale, et le jour J, j’ai reçu une lettre de lui. Un petit mot qu’il me dédicaçait, à moi et à ma guitare bleue, et ça m’avait vraiment touché.

Goldman est quelqu’un qui a aussi beaucoup écrit pour les autres au fil des décennies. C’est un point commun que vous semblez partager avec lui, je crois. Des projets à venir dans les prochains mois ?

Alors, je ne peux pas vous en parler en détails, mais oui, je travaille sur plusieurs projets pour des artistes en ce moment. Et puis, je suis en train d’écrire la suite pour moi aussi. J’essaie de multiplier les façons d’écrire, c’est-à-dire que je n’écris pas que des chansons. En ce moment, j’écris des textes plus bruts, longs, de la poésie, de la prose, et je pense que ça donnera quelque chose d’un peu différent, à mon image (un peu foutraque). Je n’écris pas pour sortir quelque chose, j’écris parce que c’est utile pour moi.

Je comprends. En préparant cet entretien, je me suis rendu compte que vous aviez fait de nombreux duos avec pas mal d’artistes ces dernières années. Comment ces collaborations sont-elles nées ?

Ces collaborations voient le jour toujours de la même façon : selon l’envie. Dans le cas d’Hollysiz, par exemple, on était tous les deux dans un camp d’écriture et j’avais l’idée d’une chanson (La Nuit, le Vent). Je lui ai dit : « Ça te dit qu’on l’enregistre ensemble ? », et elle a accepté. Ça s’est fait tout simplement comme ça, dans ce cas.

En juin dernier, c’est Raphaël qui a posé sa voix sur l’un des titres de mon album Apollo. En écrivant et en écoutant cette chanson, je n’arrêtais pas de penser à lui. Je l’ai donc contacté pour qu’on travaille ensemble sur une nouvelle version. Chose qu’il a acceptée avec plaisir. C’est tellement puissant de partager des moments avec de tels artistes. Ces chansons prennent une toute autre dimension… Elles nous échappent un peu même.

Un an après la sortie de votre premier album, quel regard ou enseignement tirez-vous de cette période ?

Il y a des chansons qui ont pris une place très importante au fil des mois dans le cœur du public et le mien. Je pense notamment à Je veux, qui a toujours signifié beaucoup pour moi. En fait, cet album m’a ouvert plein d’horizons. J’ai envie d’expérimenter plus, de faire les choses pour moi, et pourquoi pas être le producteur exclusif d’un prochain album. Aujourd’hui, j’ai l’envie, le besoin, de produire et de partager plus de chansons qui me ressemblent.

Je pense également à Rentre tard, dont l’enregistrement a été particulier, car je n’étais pas dans les meilleures conditions pour l’enregistrer à ce moment-là pour des raisons personnelles. Le rendu est très brut et chaque écoute me bouleverse.

Dans le cadre de votre tournée, vous serez vendredi au BAM Festival (71). Vous êtes déjà venu en Bourgogne-Franche-Comté ?

Je ne crois pas. Il est grand temps de remédier à ça !

Des choses particulières prévues vendredi ?

J’aime particulièrement terminer mes concerts au milieu du public. C’est quelque chose d’important pour moi de désacraliser le statut d’artiste et de créer du lien. Les concerts doivent, selon moi, être des moments de partage et de communion. J’ai l’habitude de m’adapter à la configuration de la salle. Je me laisse porter par le public.

Merci d’avoir pris le temps de répondre à mes questions.

Merci à vous !

Le programme complet du BAM Festival : embarcadere-montceau.fr